Il est minuit passé et la ville est endormie, des villes endormies dans un pays engourdi, étourdi, englouti. Il est minuit passé et le sommeil refuse de venir. Lui aussi, il a fui. Lui aussi, il a pris peur.

Le décompte de nos journées : nos semaines, des années, un cumul inlassable de malheurs, de douleurs, et de terreurs ayant fini par avoir raison de notre paix, de notre patience et de notre éveil.

Que disent les actualités de la journée ?

Le scénario habituel, notre course macabre qui suit son cours. Quelque part, ici ou ailleurs, certains semblent s’acharner à vouloir classer nos charcuteries comme des faits divers, comme si la cruauté ne devrait plus nous choquer, comme si la barbarie devrait être notre état naturel.

Compte rendu de la semaine : Nuages gris – exécutions sommaires – assassinats sanguinaires – déclarations arbitraires – dévaluation monétaire; Un savant cocktail de désillusions et de déshumanisation pour abreuver la soif d’un supplicié au faite de désespoir.

Quid de nos années ? Qu’il soit donné à la postérité de nous absoudre de nos aberrations.

Il est minuit passé et nos frayeurs nous tiennent éveillés. Nous sursautons aux moindres échos de la nuit. Nous pouvons désormais percevoir ces sonorités létales que nous savons avec une assurance toute haïtienne, sont des témoignages de forfaits, de l'épouvante, de l'effroyable que nos mémoires oublieront presqu’aussi soudainement pour en entendre d’autres, puis pour les oublier à leur tour.

De jours comme de nuits, nous trépassons à volonté, nous sommes asphyxiés sous mille couverts. À midi comme à minuit, l’obscurité n’en dissout pas. Il est minuit passé, et c’est déjà un autre jour, qui sera probablement pareil au précédent ; Où il nous faudra compter nos morts, subir notre sort, faire le mort, vivoté en frôlant de trop près la mort… Cela ne tienne qu’à nous, jusqu’à ce que nous nous levions tous pour conjurer notre sort.

Il est minuit passé et aujourd’hui peut-être un autre jour. Un nouveau jour, si et seulement si, on a le courage de dire ASSEZ.